UN RAPPORT ACCABLANT : LE BONUS

UN RAPPORT ACCABLANT : LE BONUS

Réalisateur : Jean Marboeuf

Le film :  Pétain

L’année : 1993

Avec : Jacques Dufilho, Jean Yanne

Disponible chez Tamasa

En octobre dernier, L’oeil du témoin s’intéressait au cas Marboeuf.

Plus précisément à son polar, «La ville des silences», dans le cadre de ces films, réalisés entre la fin des années 70 et le début des années 80, à la lisière du fantastique, tels que «L’argent des autres » de Christian de Chalonge et «L’imprécateur » de Jean-Louis Bertuccelli.

A l’issue du tournage de cet entretien, Jean Maboeuf regrettait qu’une grande majorité de ses films n’aient pas été édité en DVD, souvent pour des problèmes de droits, à l’exception d’un coffret qui regroupait « Vaudevil/Grand guignol/ T’es heureuse moi toujours ». Plus particulièrement, il exprimait l’envie de voir son « Pétain » jusque-là inédit.

Moins d’un an plus tard, Tamasa, en partenariat avec L’oeil du témoin, édite ce «Pétain».
En bonus, un documentaire de 52mn : «Un rapport accablant» qui revient sur cette aventure humaine avec la participation de Jean Marboeuf, le producteur Jacques Kirsner, le scénariste Alain Riou et l’historien Marc Ferro.

Accablant est ce rapport car tout au long de ce documentaire, nos intervenants vont être confronté à ce constat: faire un film sur Pétain fut un combat perdu à l’avance tant les mentalités n’évolueront guère sur cette page d’histoire toujours aussi controversée.

En 1992, quand Jacques Kirsner décide de se lancer dans cette aventure, celui-ci ne sait pas encore qu’il ira de déconvenue en déconvenue.

Pétain n’avait jamais été représenté et encore moins évoqué de manière si frontale. Pas forcément un hasard. Comme le dit lui-même le producteur, « il fallait avoir des couilles » pour oser pareil défi.

Démarre alors une une épopée très vite semée d’embûches dans une France qui connait un deuxième mandat avec François Mitterand à la présidence, mais l’homme à la rose ne fait plus illusion, cette France-là connait les lendemains qui déchantent et s’apprête à vivre une vague de scandales sans précédent avec « les affaires », Bousquet, la francisque, la gerbe qui recouvre la tombe du Maréchal ….

Longtemps porté par Alain Corneau, le film sera finalement réalisé par Jean Marboeuf au premier abord peu enthousiaste à l’idée de reprendre les rênes du projet. Néanmoins, il se lance dans l’entreprise par « devoir » comme il nous l’avait précisé lors d’un entretien préparatoire.

Alors comment attaquer la face de l’ogre dans un tel climat ?

Même si la biographie de Marc Ferro sera l’élément dénominateur du projet, il fallait se débarrasser du carcan de l’histoire, trop imposante, et favoriser l’aventure intime, en l’occurrence le dialogue qui s’engage entre Pétain et Laval.

Ecrit dans l’urgence, le scénario est alors rédigé par Alain Riou qui va se concentrer sur ce personnage de méchant et quel méchant ! Et à Jean Marboeuf de s’atteler à « ces petits personnages »

Dès lors, deux partitions s’alternent : la politique de Pétain et de son gouvernement de fantoches et ses conséquences sur celle du personnel hôtelier, une des faiblesses principales du film.

La voix du petit peuple représentée entre autres par un tout jeune Clovis Cornillac a du mal à se faire entendre entre les échanges, savoureux et houleux, des deux monstres sacrés que sont Jacques Dufilho et Jean Yanne.

De plus, une version télé plus longue et plus complète forcément ne sera jamais diffusée.

A la sortie du film, « Pétain » est en concurrence avec «L’oeil de vichy » de Claude Chabrol, faux documentaire qui regroupait des images d’archives de la France soumise au régime de Vichy, présenté en grande pompe et revendiqué par Jack Lang alors ministre de la culture. Cet oeil-là va délibérément désamorcer la sortie de « Pétain » relégué au statut de pétard mouillé et jugé trop dangereux à l’heure où la biographie de Pierre Péan ne tardera pas à entacher la réputation d’un président déjà moribond.

De plus, la prestation des principaux protagonistes, Jacques Kirsner, Jean Marboeuf et Jacques Dufilho sur le plateau de « Bouillon de culture » ne vont pas convaincre un public qui de toute façon ne voudra jamais voir ni affronter ce miroir décidément peu flatteur.

Telle est la terrible leçon que vont retenir chaque participants de ce documentaire, le combat était perdu d’avance, les mentalités à jamais figées.

« le film est sorti trop tôt » dira Jacques Kirsner, persuadé que si cette entreprise avait vu le jour après la biographie de Péan, le film aurait rencontré un autre écho,

Jamais dans l’autocongratulation, nos protagoniste conviennent qu’ils auraient pu faire mieux, parfois même reconnaissent qu’ils se sont trompés, comme le prétend Jacques Kirsner qui aurait préféré voir un affrontement Pétain/Laval sur un moment bien précis, à la manière du film de Jean-Claude Brisville «Le souper» avec Claude Braseur en Fouché et Claude Rich en Taleyrand, sorti à la même période.

Les conséquences du film seront surtout terribles pour son producteur qui mettra la clé sous la porte mais qui rebondira avec une collection de films sur des personnages historiques, comme quoi, Pétain le film aura au moins servi à une bonne cause, tracer une voie d’un producteur aussi singulier ….

Alors trente ans plus tard, à la vision de ce «Pétain», que reste-t-il ?

Pour certains, un devoir trop scolaire, pour d’autres, il aurait fallu témoigner de la grande histoire et ne pas se limiter au cercle vichyssois ! Mais comme dirait Jacques Kirsner, « ce film existe et cela relève du miracle !»

Ce montage alternatif est un complément au documentaire «Un rapport accablant» que l’on retrouve dans l’édition spéciale du DVD chez Tamasa.

Voici donc une sélection de propos qui n’ont pas été retenus lors du montage final, une manière inédite d’ajouter un bonus complémentaire mais en ligne sur le site de L’œil du témoin.